Avant de sortir Resonance of Fate, Tri-Ace avait déjà cherché à bousculer les habitudes des joueurs de Tactical-RPG. Toutefois, cette première incursion sur le territoire du jeu de rôles stratégique avait été faite en douceur, car le développeur japonais avait préféré partir d'une licence connue.
Terrain connu mais pas tant que ça, car contrairement à la tradition de la série, ce Covenant of the Plume ne nous fait pas jouer une Valkyrie mais un mortel !
Son nom est Wylfred. C’est un adolescent (Comme d’hab dans le genre) qui a décidé de faire carrière dans le mercenariat avec son meilleur ami Ancel. La raison de cette vocation est que des années auparavant, le père de Wylfred est tombé au champ d’honneur, son âme ayant été alors recueillie par la Valkyrie Lenneth afin qu’il rejoigne les rangs des Einherjar : les soldats d’Odin lors de la guerre finale du Ragnarok. Un grand honneur, donc, si l’on en croit les gens croyants de Midgard. Cependant cet honneur n’effaçait pas pour autant l’absence du père et ses conséquences. Outre le deuil, la famille de Wylfred était ainsi privée d’une précieuse entrée d’argent à une époque où le royaume connaissait une terrible famine. La jeune soeur de Wylfred mourut alors de faim tandis que que sa mère devint littéralement folle de chagrin. La tristesse devint amertume, puis l’amertume devint haine et Wylfred décida, une fois en âge, de prendre les armes. Animé par sa soif de vengeance, le jeune homme comptait arpenter les champs de bataille en quête de la Valkyrie qui lui avait pris son géniteur.
Tel est le point de départ de l’intrigue de ce Covenant of the Plume. Une histoire qui tranche donc avec l’épisode original par son cadre plus personnel. Tri-Ace a même poussé le vice au point de briser le schéma classique de la licence, à savoir la recherche des Einherjar en passant forcément par leur fin tragique. Ici personne ne meurt avant de rejoindre votre équipe. Au contraire, de façon plus conventionnelle pour le genre, vos personnages seront tous simplement ceux qui croiseront la route de Wylfred.
Le casting de ce Valkyrie Profile reste assez fourni et débordant de charisme.
Mais rassurez-vous, leur destin n’est pas des plus enviable non plus. Le ton de cet opus DS reste dramatique de bout en bout. Les personnages sont donc très attachants à leur manière et on apprécie de connaître un peu plus leur histoire personnelle.
Aussi, ce scénario raconté du point de vue d’un humain permet surtout de s’intéresser à l’histoire du Royaume d’Artolia et de ses voisins Villnore et Creil Monferaigne car notre anti-héros sera amené à combattre pour les uns et les autres au gré des batailles, ce qui rend l’intrigue d’autant plus intéressante à suivre.
Feather o'er the battlefield... Unto me thy power yield!
L’originalité du gameplay de ce Covenant of the Plume découle directement de ce scenario fataliste. En effet, au début de son périple, Wylfred a conclu un pacte avec Hel, la Reine du royaume des morts de Niflheim. En échange de sa damnation éternelle, elle lui remet une plume noire. Version maudite d’une plume de valkyrie, cet artefact est un atout essentiel dans la quête de Wylfred. Disponible lors de chaque mission principale, la « Plume de la Destinée » permet de booster de façon incroyable un personnage de son équipe. En plus de ce gain de stats impressionnant, ce personnage déclenchera une compétence particulière, souvent très intéressante. (Par exemple : un de vos personnages peut dans ces conditions paralyser plusieurs tours durant tous les ennemis excepté le leader) Le personnage ainsi touché par la plume devient une véritable machine à tuer pouvant sauver le groupe d’un mauvais pas. Toutefois, la puissance a un prix et ce personnage sera sacrifié à la fin du combat. Vous avez bien lu. Ce super combattant mourra spontanément à la fin de l’affrontement. Une petite saynète montrant ses derniers instants aura lieu et le personnage sera définitivement perdu pour le joueur.
La contrepartie de cette perte est que l’on va récupérer quand même l’équipement que l’on lui aura assigné et que la fameuse compétence spéciale déclenchée lors du combat fera dorénavant partie de l’arsenal de Wylfred (Avec un taux de réussite légèrement moindre tout de même).
Ainsi, alors qu’une série comme Fire Emblem demande de faire extrêmement attention à ses troupes car la Mort les attend à chaque erreur de jugement, ce premier T-RPG Valkyrie Profile joue justement sur la capacité du joueur à décider de sacrifier ou non des personnages pour le « bien de la mission ».
Mais ce n’est pas tout. Hel ne nous oblige absolument pas à sacrifier nos personnages mais exige, en revanche, une créance de sang. Symbolisé par la jauge de SIN (Péché) lors des combats principaux, ce quota doit être atteint en effectuant des Overkill, c'est-à-dire en continuant de frapper un adversaire à terre (Lorsque ses PV sont tombés à zéro donc). Bref, de nous montrer le plus barbare possible. Cet élément est possible grâce au fait que le système de combat est directement issu de Valkyrie Profile et n’est pas un bête copier/coller des règles en vigueur dans le modèle de Tactical à la mode.
Enchainer les attaques Soul Crush est un très bon moyen de gagner beaucoup de SIN. (La jauge violette ici)
Concrètement on déplace ses personnages (Au nombre maximum de quatre. Oui, c’est peu.) sur un damier en 3D isométrique (Avec possibilité de tourner la caméra) et on peut, conformément à la récurrente règle appliquée dans le genre, agir une seule fois par tour après le déplacement ou sans se déplacer. La petite particularité du système de ce Valkyrie Profile c’est que lorsque l’on attaque une cible ou que l’on est attaqué, un écran spécial de combat s’ouvre où les personnages et ennemis concernés apparaissent et agissent ensemble.
Ainsi préalablement au combat on assignera une touche de la 3DS à chacun de ses combattants, permettant ainsi de les lancer à l’attaque en temps réel sur ce fameux écran de combat d’une pression sur la touche correspondant à chacun. On retrouve alors le système traditionnel de la série. Il s’agira alors de faire des enchaînements mid-air ou au sol afin de causer un maximum de dégâts à l’adversaire et de récolter des gemmes. Comme d’habitude les Magic Gems argentées octroient un bonus d’expérience à l’équipe (Seulement si l’adversaire est vaincu lors de cet assaut) et les gemmes pourpres, contrairement à l’épisode précédent où ils rendaient des AP, permettent à ses personnages d’attaquer de nouveau. En effet, comme toujours, le nombre d’attaque qu’un personnage peut lancer lors d’un assaut dépend directement de l’arme qu’il a équipé. Les gemmes pourpres sont donc un peu bon moyen de poursuivre le combo.
De plus, faire des combo permet de remplir sa jauge de Hits qui, une fois pleine, octroie au joueur la possibilité de lancer un Soul Crush : une attaque ultime dévastatrice. Là encore, la possibilité de lancer une telle attaque dépend directement de l’équipement. Certaines armes ne le permettent tout simplement pas !
Petit changement par rapport à la formule initiale : dorénavant les objets consomment des AP comme les sorts et les compétences, il faudra donc faire attention à ne pas se retrouver à court alors qu’on n’a besoin de ramener à la vie un compagnon à l’aide d’une Union Plume.
Là comme ça, le jeu donne l’impression ne pas être vraiment tactique et de n’être qu’un Valkyrie Profile en 3D isométrique. Cependant, il faut savoir que la portée des personnages est ici très importante. Parce que ce n’est que s’il est à portée d’attaque de la cible qu’il pourra participer au combo (Ce qui est appelé dans le jeu le « Mutual Assist System » et est symbolisé par la présence d’un point d’exclamation au dessus des personnages pouvant participer). Le placement de ses troupes est donc primordial.
De plus, contrairement aux Valkyrie Profile principaux, il y a ici un système de formation lors des combats. Très simplement, si on place ses quatre personnages d’une certaine façon par rapport à l’ennemi on obtient des bonus. Attaques supplémentaire, jauge de Hits qui se remplit plus facilement, meilleurs gains d’objets… Au joueur de faire en sorte de prendre l’adversaire en tenaille voire de l’encercler totalement pour une formation Grand Cross !
Le système de formation à l'oeuvre. Les points d'exclamation bleus montrent les membres de votre équipe pouvant participer au combat et les rouges les ennemis suffisamment près pour pouvoir contre-attaquer. Les cercles lumineux indiquent qu'un bonus de formation va être appliqué au combat.
Aussi il ne faut pas oublier de remplir sa jauge de SIN car comme dans chaque opus, si on ne peut plus attaquer et que la cible a 0 PV, alors elle disparaîtra. D’où l’intérêt de faire de très longs combo afin d’obtenir jusqu’à 100 points de SIN par ennemi vaincu. C’est ici qu’entre en scène l’aspect tactique du jeu.
Outre les formations, il faudra compter sur le fait que chacun des personnages peut agir une fois par tour et participer aux combo des autres. En effet si, par exemple, Wylfred attaque un soldat ennemi et qu’Ancel se trouvait à portée, les deux vont combattre ensemble ce soldat mais Ancel pourra toujours se déplacer et agir dans ce tour et Wylfred pourra même participer au combo lancé par Ancel, du moment qu’il est assez près de l’adversaire!
Il s’agit de jouer la finesse et de grignoter petit à petit la vie des adversaires en les attaquant seul avant de lancer un assaut en groupe afin que le combo servent au maximum à remplir le SIN plutôt qu’à détruire les PV adversaires.
Attention toutefois, le Mutual Assist System fonctionne également contre vous. Vos adversaires pourront donc se mettre à plusieurs pour attaquer l’un de vos personnages et certains boss utilisent même des Soul Crush dévastatrices. Et comme on ne dispose que de quatre personnages par combat, autant dire que la moindre perte peut être un sérieux problème.
Il est à noté que si l’on utilise la « Plume de la Destinée » et que l’on sacrifie un personnage, alors le quota de SIN est immédiatement rempli. Pourtant ce n’est pas une raison pour se reposer sur ses lauriers car plus on dépassera ce quota et meilleurs seront les cadeaux envoyés par Hel à la fin de l’affrontement (Il s’agit souvent d’équipements et d’objets rares et puissants).
En revanche, si le quota n’est pas rempli, au combat suivant Hel enverra des démons très puissants pour nous compliquer la tâche (Et nous pousser à employer la plume, par la même occasion).
De l’entre-deux-guerres.
Naturellement, étant donné que cet opus est un T-RPG on n’explore pas de donjons. Fini donc les séquences en sides-crolling si chères à la série et les phases de plate-forme allant avec. La world-map porte ici plutôt mal son nom étant donné qu’elle ne comprend que la région d’Artolia où se situe l’aventure. Aussi, il n’est pas possible de s’y déplacer librement. Le plus souvent vous aurez le droit de vous rendre dans une des villes afin d’y faire des achats, d’écouter les rumeurs (Qui développent le background) voire de faire avancer l’histoire. A noter que certaines rumeurs donnent accès à des combats facultatifs qui sont une occasion supplémentaire de faire de l’expérience mais, hélas, pas de recruter de nouveaux personnages. Durant ces affrontements il n’est pas possible de faire appel à la plume.
C’est finalement dans la boutique que l’on passe une bonne partie de son temps entre deux passes d’arme. Outre les armes, armures, objets et accessoires, il est possible d’acheter des tomes de compétences. Celles-ci sont divisées en deux catégories : les Tactics (Compétences actives) et les Techniques (Compétences passives).
Le marchand : votre nouveau meilleur ami.
Covenant of the Plume fait une croix sur le système d’apprentissage de son ancêtre. Pour rappel dans Valkyrie Profile, premier du nom, on achetait le même genre de livres et lorsqu’on les utilisait sur Lenneth les compétences étaient disponibles pour toute l’équipe, même les personnages non encore recrutés. A charge au joueur de dépenser quelques points pour activer ces compétences chez tel ou tel personnage et pour les améliorer.
Les Tactics étaient alors des compétences passives tandis que les personnages pouvaient apprendre également des « Skills » pouvant être employés de façon active lors des combats (Par exemple en maintenant une touche lors de l’attaque).
Dans Covenant, les Tactics se déclenchent via un menu dédié, comme pour un sortilège. En revanche les Techniques sont attribuées aux personnages selon un nombre de points limité (Par exemple si votre personnage a 50 points de disponibles, il peut donc porter trois techniques à 10 points et une à 15 points).
Mais là où la donne change réellement par rapport au premier opus, c’est que les tomes s’utilisent individuellement. Il n’est pas possible d’utiliser le tome Dash sur Wylfred et de voir cette compétence être disponible pour toute l’équipe, non. Si on fait ça, Dash ne sera apprise que par Wylfred. Il faut autant de tome qu’il y a de personnages à qui l’on veut enseigner une compétence. De même, il n’est plus possible d’améliorer ses compétences et il n’y a plus besoin de dépenser le moindre point pour les activer. De ce fait la construction de ses personnages est plus intéressante sur ce point que dans Valkyrie Profile.
Cependant il n’est plus possible d’agir sur les traits des personnages, donc sur leurs statistiques et en avançant dans le jeu les gains d’argent sont si importants qu’acheter des tomes pour tout le monde est finalement très facile, ruinant du même coup l’aspect « spécialisation » du casting. Ceci est d’autant plus regrettable que les classes des personnages n’ont pas tellement d’importance en jeu. Passé le cas des sorciers et des archers à l’intérêt tactique évident, le casting est composé de guerriers, bretteurs, voleurs et lanciers dont la seule différence se situe au niveau de l’équipement utilisé (Et la portée pour les lanciers qui attaquent, naturellement, de plus loin que les autres combattant au corps-à-corps). Du côté des compétences, ils peuvent tous apprendre les mêmes Tactics et Techniques, ce qui ne rend pas la construction des personnages très folichonne.
A la croisée des chemins.
Concernant la durée de vie, Valkyrie Profile : Covenant of the Plume est court, mais alors vraiment court. Votre première partie devrait s’achever après une durée de dix à quinze heures, selon votre façon d’aborder les combats. Un nombre ridicule pour le genre mais c’est sans compter sur sa forte rejouabilité.
En effet, le jeu comporte trois fins et chacun des chapitres 2 à 5 du jeu peut se dérouler selon trois chemins distincts. Chaque chemin suit une voie différente pour le scénario, vous fait affronter des ennemis différents et surtout vous fait recruter des personnages différents. Selon la route empruntée, un personnage pourrait ainsi être votre ennemi ou votre allié.
A l’exception du chapitre 2 qui vous permet de choisir votre chemin, le déroulement des autres dépendra du nombre de fois que vous aurez utilisé la « Plume de la Destinée ».
S’ajoute à cela un mode New Game + qui vous permet de recommencer l’aventure en conservant vos objets, votre équipement, votre argent et surtout les compétences spéciales obtenues lors des sacrifices, rendant votre nouvelle aventure un peu plus facile.
Faire que des critiques pendant trois tours? Le genre de compétence qui facilitent le NG+.
Car comme le Valkyrie Profile original, Covenant n’est pas du genre tendre avec le joueur. Si la majorité des combats sont tout à fait gérables sans recourir à la plume à condition de jouer la finesse (Ce que je vous conseille d’essayer de faire dés votre première partie), le jeu n’hésite pas à pimenter les choses en enchaînant, par exemple, deux ou trois affrontements sans vous permettre de sauvegarder ou de vous ravitailler en objets.
Le jeu pourra donc sembler un peu difficile de prime abord et il le paraîtra encore plus si on joue n’importe comment. Mais heureusement certaines subtilités permettent de retourner la situation à notre avantage et le jeu ne paraîtra plus aussi difficile.
Enfin, vous obtiendrez un game over direct si vous utilisez trop souvent la plume lors d’un même chapitre (Le plus souvent la limite est située à deux ou trois utilisations) Certains vous conseilleront alors de faire une première partie en visant la fin C, donc en faisant un maximum de sacrifices pour chercher à obtenir ensuite les autres fins en étant mieux préparé, mais je conseille encore une fois de chercher à obtenir la meilleure fin dés le départ.
Ainsi, si finir le jeu une première fois peut être rapide, le New Game + est suffisamment intéressant pour pousser le joueurs à explorer chaque chemin et à obtenir toute les fins. Or, après avoir vu les trois fins, on débloque le mode Seraphic Gate, donjon ultime et difficile des Valkyrie Profile vous permettant d’affronter et des recruter des boss inédits. Bref, le jeu n’est pas aussi court que l’on pourrait le croire même si vous ne risquez pas d’y passer une centaine d’heures non plus.
Valkyrie Profile Covenant of the Plume est donc selon moi un très bon jeu qui a le mérite de ne pas avoir céder à la facilité en s’aventurant dans ce genre inédit pour la licence. Cependant il n’est pas dénué de défauts dans son système de jeu et j’espère qu’un jour Square-Enix demandera à Tri-Ace d’en développer une suite (spirituelle ou non) corrigeant tout ça.